Forêt vierge de Derborence
La cuvette de Derborence offre un paysage exceptionnel : les énormes éboulements de 1714 et 1749, le lac qui s’est formé alors, la forêt vierge et les parois des Diablerets.
Dès 1959, la Ligue Suisse pour la Protection de la Nature, au bénéfice d’une servitude pour le lac et ses environs, a fait I’ acquisition de la forêt vierge côté sud, de l’alpage de Vérouet qui la domine et enfin de l’alpage de Fenadze situé en face, au pied des Diablerets. Ainsi, plus de 260 hectares ont passé sous le contrôle de Pro Natura.
C'est l'une des dernière forêt primaire en Suisse qui s'étend sur 25 hectares. Elle impressionne par ses grands arbres certainement très vieux (env. 450 ans) et antérieurs à la formation du lac à ses pieds.
Cœur de la réserve, la forêt vierge dite de l’Ecorcha ou Ecorchia couvre une surface de 25 hectares et renferme des sapins monumentaux de 450 ans pouvant atteindre 44 mètres de hauteur et les troncs de ces géants peuvent mesurer jusqu'à 1.50 de diamètre. Tous les arbres sont répertoriés pour des observations scientifiques à long terme. Cette forêt doit la conservation de son caractère original aux difficultés d’accès et de transport des bois.
Le nom Ecorchia, donné à toute la forêt entre le Scex de Vérouet et la Luy Rionda, figure dans le rapport forestier de 1825 de la commune d’Ardon qui prétendait alors être propriétaire de ce territoire. Il est fort probable que cette désignation provient du fait que la forêt avait été « écorchée » lors de l’éboulement de 1749 par le déplacement d’air ou encore par des avalanches.
Dans un rapport de 1862, de la commune de Conthey, cette forêt porte alors le nom de Morisoud. Sur le plan cadastral de 1933 figure Morisou (Est) et Ecôo (Ouest). Ce dernier nom a le même sens qu’Ecorchia (Ecorcha). Nous trouvons le nom Ecorcha sur les cartes nationales dès 1950 pour l’ensemble de la forêt.
Par définition, cette forêt se trouve dans un état d’équilibre et se passe parfaitement d’entretien en conditions normales. Elle joue un rôle important, comme témoin des effets de la pollution de l’air à long terme.
La forêt vierge de Derborence abrite le sous-bois le plus riche en espèces végétales de Suisse, et probablement unique dans les Alpes, car elle se régénère par elle-même. Sur les troncs en décomposition des arbres tombés s’installent et se développent de jeunes plants vigoureux. Elle abrite également de nombreux oiseaux, tels que le pic triactyle, l'aigle royal ou encore le fameux gypaète barbus qui a élu domicile dans la région.
Ailleurs, sur les pentes les plus rocheuses, sur les crêtes naissent des steppes sèches formées d’espèces typiques de la flore du Valais central comme l’Armoise du Valais, l’Uvette ou le Téléphium….
D’autre part, le climat humide des Préalpes a permis le développement de la seule hêtraie du Valais central. L’influence du lac (le plus jeune lac naturel d’Europe) sur la végétation se réduit à la présence d’un fin liseré de plantes des marais, avec parmi elles, une grande rareté connue des seuls botanistes : le Cerfeuil musqué.
Se trouve également à Derborence le Lys orangé, très rare aujourd’hui, qui a donné son nom à certains lieux-dits de la vallée (Tsamperron). Derborence a attiré de nombreux savants, dont Thomas Blaikie, un jardinier écossais qui fut certainement le premier à venir récolter en 1775, des plantes alpines pour le jardin botanique de Londres. Ci-dessous le Lys Martagon.
Ignace Marietan (La Murithienne), en 1929, dit de cette forêt.
« Au bord du lac, sous les rochers de Vérouet, se trouve une forêt de conifères d’une grande beauté. Vraie forêt vierge, on y voit des sapins blancs atteignant une taille gigantesque dont la cime desséchée marque la lente disparition de la vie.
D’autres sont morts et restent encore debout, se décomposant lentement, beaucoup sont tombés et préparent un humus abondant sur lequel de jeunes arbres prospèrent. Partout le libre jeu des forces de la nature sans intervention de l’homme. A ce point de vue, je ne connais rien de plus intéressant dans notre Valais. Un vrai parc naturel que nous voudrions conserver toujours. »